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Chostakovitch Vs Prokofiev

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ChostakovitchVsProkofiev





Dans ses Mémoires, Dimitri Chostakovitch n'a pas épargné son compatriote Serge Prokofiev. Mais n'a-t-il pas déformé la vérité ?
[..]
   Voici le texte exact des Mémoires de Chostakovitch, dans leur traduction française publiée chez Albin Michel. On notera que les accusations de dureté, d'arrivisme y figurent en effet, avec les reproches d'avoir été un enfant trop gâté et un médiocre orchestrateur. Mais Mme Lina Prokofiev semble avoir lu dans la version originale des Mémoires (publiés d'abord en américain) des propos qu'on ne retrouve pas exactement dans la traduction française. D'après cette traduction, Chostakovitch n'a pas dit  qu'une fillette aurait été « écrasée » par Prokofiev, mais bien « renversée ». Quant au terme « joueur », il semble bien employé ici dans son sens figuré et non dans son acception propre,  comme semble l'avoir compris Mme Lina Prokofiev : 

Nous n'avons pas réussi à devenir amis, Prokofiev et moi. Peut-être parce qu'il n'y avait pas de tendance à l'établissement de liens amicaux dans le caractère de Prokofiev. C'était un homme sec qui, visiblement, ne s'intéressait à rien, hormis sa propre personne et sa musique (...). Prokofiev a eu beaucoup de veine dès son enfance. Il a toujours obtenu ce qu'il voulait. Il n'a pas eu de soucis. Il a toujours eu de
l'argent, du succès. Et, en conséquence, le caractère d'un enfant prodige capricieux (...). Je me rends parfaitement compte pourquoi cet Européen a préféré revenir en Russie. Prokofiev était un joueur passionné, qui sortait toujours largement gagnant. Il lui a semblé qu'il avait tout calculé infailliblement et que, cette fois encore,   il sortirait gagnant. Pendant une quinzaine d'années, Prokofiev est resté avantageusement assis entre deux chaises. En Occident, on le considérait comme Soviétique. En Russie, on le recevait comme un hôte occidental. Mais la situation changea. Les fonctionnaires préposés aux affaires artistiques commencèrent à regarder ce compositeur Prokofiev de travers ; sous-entendu : « Qu'est-ce que c'est que ce Parisien ? » Et Prokofiev jugea qu'il était plus avantageux pour lui de déménager en URSS (...). Je ne crois pas que Prokofiev m'ait jamais pris au sérieux en tant que compositeur. C'est Stravinski qu'il considérait comme son rival et auquel il ne perdait pas une occasion de décocher un coup bas. Je me souviens qu'il voulut me raconter un jour une anecdote ordurière sur Stravinski. J'interrompis brutalement Prokofiev. Prokofiev a été obligé d'endurer beaucoup d'humiliations. Il n'en est pas mort (...). Un bon exemple : l' orchestration  des ballets de Prokofiev. On continue toujours à les donner au Théâtre Bolchoï dans une orchestration qui n'est absolument pas celle de Prokofiev. Il faut dire que Prokofiev n'était pas un fameux orchestrateur. Pour Prokofiev, l' orchestration a toujours été un travail fastidieux dont il essayait autant que possible de se débarrasser sur quelqu'un d'autre. Mais au Bolchoï, les ballets de Prokofiev ont subi une opération barbare. Que tout le monde le sache : Roméo et Juliette y est joué avec Pogrebov, en qualité de coauteur du compositeur Prokofiev. Même chose pour La Fleur de pierre. Un homme prodigieux que ce Pogrebov, un champion, un hussard de l'orchestration (...). Il y eut un moment où Prokofiev s'est vraiment senti dans ses petits souliers. Il avait écrit une sur des paroles de Lénine et de Staline : elle fut refusée. Il écrivit alors des chants pour solistes, chœur et orchestre, où il glorifiait à nouveau Staline : nouvel échec. Meyerhold avait commencé à monter l'opéra Siméon Kotko, on vint l'arrêter. Et, de surcroît, Prokofiev au volant de sa Ford renversa une fillette. La Fordétait toute neuve, Prokofiev ne savait pas la manœuvrer. Et les piétons de Moscou sont indisciplinés, ils se jettent littéralement sous les voitures (...). Prokofiev avait tout le temps l'impression qu'on le méconnaissait, qu'on ne lui décernait pas assez de prix, de décorations, de titres. Il était très sensible à cela. Il fut extrêmement heureux quand il reçut son premier prix Staline (...). Dans l'ensemble, il regardait mes œuvres sans beaucoup d'attention, ce qui ne l'empêchait pas de porter sur elles des jugements sans appel. Dans l'immense correspondance de Prokofiev avec Miaskovski, il y a bon nombre d'attaques contre moi. »


 Le monde de la musique, Témoignage. 1980



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