Alain Robert Coulon, écrivain

[..]

"Richter à Gaveau, 12 janvier 1979 (il a 64 ans : je l’avais entendu à Nancy en 1967, et je l’entendrai encore à Tokyo en 1996, un an avant sa mort – note de 2005) 1].

Uniquement Schubert : 3 sonates, 2 moments musicaux et un impromptu en bis. Extraordinaire poésie. Intimité chaleureuse. Le concert est aux chandelles (ayant obtenu une place au dernier moment, je suis debout, au fond à gauche). Il ne craint pas les mouvements du corps. Il est recueilli en lui-même, malgré l’indiscipline de la foule (!). Quand il salue, on voit pendre ses deux bras souplement, de leur pesanteur naturelle. Pianissimi extraordinaires, toujours timbrés. Pouvoir de l’imagination, de l’expression. Il me fait penser à Lefébure, par ce côté, mais en plus intime et en plus sûr. Ne pas craindre les forte expressifs, à la limite du bruit. Il s’emporte parfois. Il a des éclats. Sinon, son jeu est très contrôlé, très intériorisé, toujours varié, imaginatif. On ne sent pas tellement le poids dans le bras, mais il est vrai que c’est Schubert. Mille façons dans les mains. Délicatesse. Un colosse sur du velours.
Il semble jouer avec précision des étouffoirs. Maîtrise subtile de la pédale. Il ne coupe pas net les sons. Il les file et les éteint volontairement. Raffinement dans le détail. Variété des touchers.
Le piano devient un instrument  très personnel.
C’est un poète, tendre, délicat, généreux, parfois révolté et douloureux."

DOC ©2005